Breton de souche par ma
mère mais né en région parisienne, je suis surtout breton de coeur.
C'est pourquoi quand des amis m'avaient proposé une virée bretonne,
j'avais répondu présent avec enthousiasme. Avec la Normandie, c'est
probablement la région que je connais le mieux. Tous les étés, j'écume
la côte nord et la côte sud avec nos petits enfants mais pour découvrir
les paysages bretons, les petits villages, les ports cachés au fond des
abers, rien de tel que la moto, sachant que contrairement à l'opinion
commune, la Bretagne n'est ni un plat pays, ni une région de routes
rectilignes. Les Monts d'Arrée et les montagnes noires sont les vestiges
d'une chaîne puissante. Aujourd'hui, bien que peu élevé, le relief est très présent,
surtout au centre, avec un réseau de petites routes compliquées et
sinueuses. Et c'est bien ce réseau-là que notre ami Marc avait prévu de
nous faire emprunter.
Au départ de la banlieue de Rennes :
Natalie et Marc sur leur R1200R, Gilles sur son R 90S, Philippe et Géné
en boîte à roue et moi sur mon R1200R-LC. Objectif, la côte nord puis la
descente vers les Montagnes noires pour rallier notre hébergement : les
cabanes
de Quénécan ! Ca s'annonce bien. La météo s'amuse à
nous faire peur mais le soleil s'impose et la D82 vers Combourg est
bucolique. Combourg, c'est le château de... Chateaubriand. Une
forteresse médiévale austère, sévère, qu'on disait même... hantée. Le
jeune écrivain occupait une chambre au dernier étage de la tour du chat,
ainsi nommée en raison de la coutume qui voulait qu'on y enterre un chat
pour éloigner le démon ! Le père de Chateaubriand considérait que
c'était une manière d'endurcir son fils. Son père était un personnage
hautain et sombre, qui après avoir été capitaine d'un navire négrier,
organisa la traite des noirs en tant qu'armateur, ce qui lui permis
d'ailleurs d'acheter Combourg. En tout cas, ce qui est sûr c'est que
cette enfance dans ce château marquera profondément l'écrivain. Après
Combourg, direction Dinan et précisément Léhon, sur la Rance. Une
délicate attention de Marc qui savait que mes racines étaient là, dans
ce petit bourg médiéval. Ma mère y avait passé ses premières années. Je
conserve le souvenir de la maison familiale avec ses lits clos, sa
grande cheminée où mijotait la marmite suspendue, et les tantes et
grands-mères avec leur costume et leur coiffe dinnanaise. Pour nous,
petits "parisiens", c'était un univers étonnant. Séquence nostalgie /
off ! Retour à la route qui monte vers le cap Fréhel et... que le
spectacle commence ! La route pourrait inviter à l'arsouille mais d'une
nous sommes disciplinés : pas question de doubler le meneur et de deux,
c'est tellement beau qu'on ne peut que se traîner. Du cap Fréhel aux
Sables-d'Or, on progresse dans la lande tout en suivant le bord de mer. La côte est rocheuse, découpée et depuis la route, on devine des criques
sableuses magnifiques. En descendant de moto aux Sables-d'Or-les-Pins,
je dirai à Géné : "Je sais où nous passerons nos prochaines vacances". Aux Sables-d'Or, pause déjeuner au restaurant "L'avenue" : chic, cadre
agréable, service avenant, cuisine à la hauteur. Tout pour plaire ! Pour
le dessert, je conseille l'île flottante... monstrueuse ! La chaleur
est revenue et il est temps de remonter sur les motos afin de profiter
de la fraicheur des petites routes de la forêt de Lorge, superbe, mais
autrefois sinistre puisqu'elle avait été le théâtre d'exécutions
sommaires perpétrées par la Gestapo durant l'été 44. Plusieurs charniers
seront retrouvés à la fin de la guerre. L'arrivée aux cabanes de
Quénécan s'avèrera un peu compliquée : pas de problème pour trouver
l'accueil mais pour les cabanes, ce fut un jeu de piste. Un jeu de piste
doublé d'un problème moto pour le 90 RS, qui non content de nous avoir
déjà fait le coup du câble d'embrayage, avait décidé de remettre ça
alors que nous arpentions les chemins creux. Mais comme "chat échaudé
craint l'eau froide", Gilles avait prévu la perfidie de son antiquité et
pu réparer avec un câble neuf. Les cabanes de Quénécan sont situées à
proximité des Forges des Salles, un village sidérurgique très ancien et
de l'abbaye cistercienne de "Bon Repos". Autant dire dans un
environnement historique et culturel de premier plan. Les cabanes
quant à elles ont été implantées sur les rives de "l'étang du Fourneau",
dans les arbres ou sur pilotis. Le confort est spartiate : pas
d'électricité, pas d'eau courante, toilettes sèches mais l'essentiel a
été prévu. Réserve d'eau, lingettes pour la toilette, bougies pour
l'éclairage, une belle terrasse face au lac, lit confortable accessible
par une échelle et livraison à domicile du petit déjeuner par une
voiturette électrique. A noter qu'à l'accueil un bâtiment sanitaire
moderne permet de faire ses ablutions. Donc, un hébergement insolite
mais confortable.
Deuxième jour : Le 15 août, les routes et les villes de la côte, pour intéressantes
qu'elles soient sont infréquentables. Donc, direction le centre Bretagne
en appliquant le même régime que la veille : les blanches et les jaunes
bordées de vert ! A 30 bornes de Huelgoat, je prends Natalie en
passagère, histoire qu'elle teste la R1200R nouveau modèle. La selle lui
semble moins large et plus haute que sur le R de Marc. C'est vrai. Côté
protection, pas de différence notoire, même avec ma bulle beaucoup plus
basse que la pelle à tarte de Marc. Habitué à passer les vitesses au
shifter, je la préviens que les sensations sont différentes.
Techniquement parlant : quand on veut passer un rapport, un capteur
détecte la poussée sur le sélecteur, envoie un signal à un boitier
électronique connecté au faisceau d'allumage pour provoquer une coupure
des gaz, ce qui permet de monter les rapports. A vitesse constante ou en
ville la sensation est désagréable mais en phase d'accélération, non
seulement les vitesses montent toutes seules mais le ressenti
coupure-accélération est sympathique. J'évite cependant d'utiliser le
shifter entre la première et la seconde et en ville, je reprends la
poignée. Bref, pas incommodée non plus, ma passagère. Test positif ! J'avais découvert Huelgoat en 2000, à l'occasion de la préparation de la
NetConcentre du forum usenet fr.rec.moto. A l'époque, il n'y avait
personne et même quelques années plus tard quand j'étais revenu pour
visiter le "chaos", la ville était calme et peu fréquentée. Donc, grosse
surprise cette fois en voyant le nombre de restaurants et la foule de
touristes. C'est bien pour les affaires mais c'est pas mon truc. Sans
réserver une table, on arrive à se caser mais c'est dur. Juste à côté de
l'entrée du "chaos", la crêperie "La Grotte" avait bien voulu de nous et
ma foi, vu la qualité des plats, nous ne l'avions pas regretté. Ce
chaos de Huelgoat, c'est l'attraction de la ville. C'est un massif
forestier granitique traversé par la rivière "d'Argent". Sous l'effet de
l'érosion, de gigantesques blocs granitiques enfouis sous les roches
sédimentaires ont émergé mais nombre de légendes, fâchées avec la
géologie donnent des explications moins rationnelles mais plus romancées
: le diable mécontent, Gargantua qui depuis la côte aurait lancé
d'énormes galets ou encore, un conflit local où chaque camp aurait tenté
de lapider l'autre. Reste que c'est une promenade très agréable qui fait
le bonheur des enfants : faire bouger la pierre tremblante de 130
tonnes, s'aventurer dans la grotte du roi Arthur où il serait enterré
avec quelques chevaliers de la table ronde. Bref, tout ce qu'il faut
pour motiver et nourrir l'imagination fertile des gamins. Bien calés
par les galettes bretonnes nous repartons vers la pointe de la Bretagne,
celle de Crozon. Traversée de l'Aulne au pont de Térénez (un bel
ouvrage) entre Argol et Rosnoën, pour rejoindre le Menez-Hom par la D60
qui longe la profonde embouchure de l'Aulne. Le Menez-Hom, encore une
légende ou plutôt des DES légendes ! La ville d'Ys qui se serait étendu
jusqu'au pied de la montagne ; le roi Marc'h dont ce serait la tombe en
attendant qu'il surgisse des ténèbres ; la légende du Dahu qui ne se
montre que dans la nuit du 15 août etc. Le Menez-Hom c'est surtout le
sommet le plus à l'ouest des Montagnes Noires et un point stratégique
qui permettait de surveiller la mer puisqu'on domine les trois pointes
de la Bretagne. Le panorama est superbe et on y pratique de nombreuses
activités comme le parapente ou l'aéromodélisme. Sur la route du
retour aux cabanes, Le Faouët et Guéméné mériteraient un arrêt. Le
Faouët pour son patrimoine architectural et Guéméné pour son andouille.
Troisième jour : le retour à Rennes
par la côte sud. En fait, je n'ai pas fait cette troisième balade
mais je publie l'itinéraire de Marc qui poursuivant sur sa lancée avait
concocté une belle journée moto. Je connais bien cette côte ainsi que
les routes qui remontent sur Rennes par Questembert, Rochefort-en-Terre,
la forêt de Paimpont. Je quittais donc mes p'tits camarades pour
d'autres aventures avec des amis parisiens exilés du côté de Concarneau
et du Pouldu.