Malgré les ruses
de vieux sioux déployées par mon compère Jean pour éviter la pluie, la météo
de ce mois d'avril 2008 ne nous avait pas épargnés et c’est même sous la
neige que nous avions abordé le Vercors. Mais comme « à toute chose
malheur » est bon, ce temps pourri m’avait au moins permis de tester la
protection de la GS Adventure, qui sans atteindre l’efficacité de sa
cousine la 1200 RT n’en est pas moins très honorable. La GS a la
réputation d’asperger copieusement les pieds et les jambes de son pilote
mais avec le lèche-roue qui va bien, prolongé à ses deux extrémités par
des petites bavettes « Tricé Approved », on est déjà mieux protégé.
Reste que sous une pluie battante de plusieurs heures, la seule vraie
réponse c’est l’équipement du motard : combi pluie et sur-bottes. A
l’autre extrémité du bonhomme, les épaules et la tête sont à l’abri
grâce à la bulle et aux déflecteurs latéraux. En ce qui me concerne, je
dirais même que sur ce point la GSA est supérieure à la RT. Par exemple,
aucune humidité au niveau du col.
C’est sur le coup de 19:00 que nous arrivâmes à Saint-Jean-en-Royans et
alors que nous nous apprêtions à attaquer la montée vers Bouvante-le-Haut,
notre destination finale, nous aperçûmes un grand gaillard qui ne nous
était pas tout à fait inconnu : Haroun, dit le Poussah qui palabrait
avec les indigènes pour savoir si oui ou non le col de Lacroix était
fréquentable. Quelle lopette !
Mais comme un baroudeur en Adventure ne recule devant rien, nous
embarquâmes illico notre Poussah pour arriver à bon port au Village
vacances de la Jacine, situé quelques 15 kilomètres plus haut sur une
route en cul de sac débouchant sur les parois abruptes d’un cirque
glaciaire.
Marina et Philippe qui avaient fait la liaison par autoroute sur leur
12RT nous avaient devancés et il ne manquait plus que le sudiste de la
bande : Torti et son K 1100 RS.
La Jacine (https://www.sejours-en-drome.net/la-jacine.html)
est un relais « Cap France » qui accueille des scolaires mais également
des groupes et des familles. Au début du siècle dernier, c’était une
très grosse ferme dont l’activité n’avait cessé de diminuer et qui avait
finalement été rachetée par une association pour en faire un centre de
vacances. La rénovation des bâtiments s’est faite intelligemment en respectant
la construction d’origine tandis
que deux bâtiments supplémentaires modernes abritent une série de
chambres confortables.
C’est dans un petit bar situé dans les profondeurs de la Jacine que nous
avions attendu Torti, retardé par la neige. Finalement il arriva pendant
le dîner, frigorifié et sous le coup d’une expérience pour le moins
inédite : la « rencontre » avec une horde de loups dans la montée de
Bouvante ! Il fallait voir notre Torti narrer son aventure en la
ponctuant de grand ouuuuh, ouuuuh, qui visiblement l’avaient glacé de
terreur.
Funeste erreur ! Il ne faut jamais raconter ce genre de choses dans une
réunion de motards si on veut éviter la légende qui va vous coller à la
peau pendant des années. Mieux vaut la jouer quidam : « Moi ? Non, je
n’ai rien à dire, je n’ai rien vu, rien entendu, il ne m’arrive jamais
rien ! »
Inutile de dire que ce soir-là, le Torti en a pris plein sa musette. Je
n'en veux pour preuve que cet extrait d'une
« impro » d'Haroun sur le thème
du « loup et l’agneau » de Jean de la Fontaine, qui donnait à peu près
ça :
Un Torti cheminait
Sur la route de Bouvante enneigée
Un loup survint sur son adventure,
Et que les virages en ces lieux attiraient.
Qui te rend si hardi de voler ma trajectoire ?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
Sire, répondit Torti, que Votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu'elle considère
Que je chemine près de 300 mètres derrière elle
Et que je ne puis donc lui voler sa trajectoire
Tu me voles ma trajectoire, reprit cette bête cruelle
Et je sais que de mes courbes tu médis l'an passé.
Comment l'aurais-je fait sire, je savais à peine rouler
Reprit Torti ; et je débute à peine en 1100 RS
Si ce n'est toi, c'est donc ton frère etc etc
Beaucoup plus
sérieusement, Bouvante est effectivement connue pour la présence d’une
meute de 5 ou 6 loups et on se souvient qu’en octobre 2004, un agent
de l’Office des forêts y avait abattu une jeune louve de 18 mois.
Le lendemain
matin, le temps n’était pas brillant mais la météo avait annoncé de
belles éclaircies. La neige fondue et le brouillard nous incitèrent à
nous réfugier dans un bistrot de Saint-Jean, histoire de laisser le temps à
l'ami Philo parti le matin même de Manosque, de hisser son paquebot (PAN 1300) jusqu’à nous. L’idée étant
de déjeuner à La Chapelle-en-Vercors, je repris la direction du groupe
pour rejoindre la route des gorges de la Bourne via Sainte-Eulalie, qui
jusqu’en 2006, était le point de départ de la magnifique et
impressionnante route des grands goulets, hélas définitivement fermée et
bientôt remplacée par un tunnel destiné à éviter les zones dangereuses.
Pour ma première vraie sortie en GSA sur des routes de montagne, je me
considérais comme étant encore en rodage. (Je parle du bonhomme, pas de
la moto). Mais cette GS m’a d'emblée paru si facile et si agile sur ces
routes tournicotantes que les petites appréhensions s’étaient
envolées dès les premiers tours de roue.
Dans le jargon
des motards, on parle de prothèse pour désigner une moto qu’on n’a aucun
mérite à piloter tant elle est facile. C’est le cas de la GS Adventure
et j’imagine encore davantage de la GS standard. En tout état de cause,
si j’avais encore eu des doutes quant à mon achat, les gorges de la
Bourne et l’après midi passée à suivre Haroun, les auraient vite
dissipés.
Quelques hypothèses pour expliquer l’efficacité de cette moto sur ce type
de route : le guidon large qui lui confère une grande maniabilité : dans les
épingles évidemment, mais aussi dans les enchaînements serrés ; un
moteur plus vif que les modèles précédents ; des rapports de boîte
modifiés qui boostent les accélérations, une suspension pilotée au guidon
(ESA) qui permet d’adapter la machine à la conduite souhaitée.
Même lesté par une
caillette du Vercors, un gratiné de ravioles au bleu et une part de
tarte gargantuesque, le col de Rousset ne fut qu’une formalité avalée au
rythme soutenu d’un Haroun qui jouait au poussah (le culbuto), lequel Poussah
(le vrai) restera
imperturbable sur les routes un poil gravillonnées des petits cols du
Diois. Néophyte dans le métier de Gs_iste, je ne demandais qu’à partager
ses convictions : « Avec une GS, les gravillons ça n'existe plus ».
Frustrés de n’avoir pu apprécier les paysages impressionnants du
Vercors le matin en raison du brouillard et de la pluie, le retour
s’était fait par la Combe Laval puis le col de Lente et du Pionnier,
le tout ponctué par de nombreux arrêts photos.
Cette virée ayant comme objectif la « reco » d'une
balade connue sous le nom de BG - balade gauloise - voir les photos de
la BG08 :
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